La rencontre nationale 2016 : orientations et prises de position!

Brigitte

Il est parfois incontournable de s'arrêter et de prendre le temps de discuter de la conjoncture et des grands enjeux propres à l'Alternative en santé mentale. Plus de 85 personnes qui se sont réunies à l'hôtel Sandman afin d'échanger sur certains enjeux entourant la mise en place du Plan d'action en santé mentale 2015-2020 (PASM). La rencontre s'est caractérisée, fidèle à la tradition du Regroupement, par des échanges extrêmement intéressants, des témoignages frappants et de bonnes discussions. Les évaluations recueillies à la fin de la rencontre ont laissé voir que l'événement a été globalement très apprécié.


La Rencontre nationale en bref

Jour un : la primauté de la personne

C'est Robert Théoret, responsable de l'action politique au RRASMQ, qui a ouvert la rencontre en mettant la table sur le contexte dans lequel nous nous inscrivons présentement : austérité, réorganisation du réseau de la santé et nouveau PASM. Diaporama de présentation

Par la suite, une première table ronde s'est attardée à la notion de primauté de la personne, un principe affirmé haut et fort dans le dernier plan d'action du MSSS.

  1. Mélanie Bergeron du Rivage du Val St-François nous a d'abord entretenus de la place de la personne dans l'élaboration et la conduite du PSI, un modèle où le patient-partenaire devient patient-expert de sa situation. Diaporama de présentation
  2. La table-ronde s'est poursuivie avec Ghislain Goulet d'Action Autonomie, qui a présenté le projet de participation montréalais ainsi que les conditions permettant une réelle participation publique.
  3. C'est Doris Provencher qui fermait cette première table ronde en évoquant les défis liés à l'implantation et au maintien des cadres de partenariat dans les régions du Québec. Diaporama de présentation

La discussion s'est poursuivie autour des tables, puis en plénière, avant que la première journée ne se conclut par un sympathique 4 à 6.

carl participantes

La primauté de la personne : dans le réseau et dans nos ressources!

stephanie

Plusieurs participant∙e∙s ont évoqué l'importance de permettre une participation pleine et entière dans la ressource-même, à la mesure de chaque personne. La participation, c'est dans nos ressources que ça commence, que ça se met en marche et en pratique! D'autres ont souligné que cette participation devait se mener grâce à l'instauration de relations égalitaires, certains en appelant à lutter contre les étiquettes « usager », « professionnel », « directeur » et de parler plutôt de citoyen∙ne∙s, qui oeuvrent ensemble sur un pied d'égalité (symboliquement du moins). D'autres ont finalement insisté sur les conditions et les visées de la participation : il faut soutenir la participation, y compris financièrement, et la déployer dans des réels lieux de pouvoir et de décision.

À la question « Que voudriez-vous voir changer dans les façons de faire des établissements, en matière de primauté de la personne et de la participation ? », les rapporteurs ont emmené en plénière les éléments suivants :

« Nous on a pris en considération de tenir compte de la parole de la personne par les intervenants et les établissements. Tenir compte aussi de l'environnement de vie de la personne, c'est-à-dire, tenir compte de sa globalité. (…) Tenir compte également du rythme de la personne versus le temps gestionnaire. (…) C'est la primauté de la personne et non pas la primauté des médecins. »

« Relation égalitaire, qu'est-ce que ça peut vouloir dire? De donner tous les outils et la formation aux personnes, changer la terminologie… on ne veut plus être des clients, des personnes, toutes ces choses-là, ni des utilisateurs… »

« Je viens de Chaudière-Appalaches et on vient de se faire couper le financement pour notre cadre de partenariat. Plus tôt, on parlait de l'importance du financement et nous, on nous l'enlève. On avait quelque chose qui fonctionnait très bien depuis 2007, et on se l'est fait couper… ça coûtait seulement 26 000$ par année, tsé quand tu compares ça au salaire d'un psychiatre… »

Jour 2 : les déterminants sociaux et l'évaluation...

Cette seconde journée s'est entamée avec une table-ronde qui portait sur les conditions permettant la « pleine citoyenneté » et les déterminants sociaux. André Bilodeau (Réseau Habitations Chez Soi) a livré d'abord un vibrant plaidoyer en faveur du développement de logements sociaux qui se destineraient d'abord et avant tout aux citoyens dans le besoin, et non pas à une classe à part (les personnes ayant un problème de santé mentale ou autre).

Par la suite, Brigitte Campeau (La Cordée) a fait une présentation sur les partenariats menés par la ressource en matière de plateaux de travail et de démarches d'employabilité. Finalement, Émilie Lemire Auclair (Intervenante à PRISE II) a expliqué comment leur organisme a créé des liens avec le milieu de l'éducation afin de s'assurer que les étudiant·e·s puissent accéder à leur droit à l'éducation, par un accompagnement sensible à leur réalité et par la prise en compte de leurs conditions de vie matérielles.

Cette table-ronde a donné lieu à des échanges nourris concernant l'importance d'agir sur les déterminants sociaux de la santé. On en a notamment appelé à un front commun des organismes communautaires afin de défendre ensemble, au-delà de nos intérêts sectoriels, l'amélioration des conditions de vie des personnes et leur pleine place dans la société. On a aussi souligné l'absurdité de l'expression « pleine citoyenneté »... existe-t-il une demie-citoyenneté ? Sommes-nous des demi-citoyen·e·s lorsque nous sommes pauvres, sans emploi ?

À la question « Quelles sont les opportunités actuelles pour agir sur les déterminants sociaux ? », les rapporteurs ont emmené les idées suivantes :

« La reconnaissance de chaque personne comme un citoyen à part entière. Y'a pas personne de vide, à moitié… on est tous citoyens à 100%! »

« On a toujours des opportunités quand on agit, quand on parle, dans les lieux de concertation, dans nos organismes, avec nos voisins, on a toujours des opportunités d'agir sur les déterminants sociaux. Mais selon le regard que l'on a, ça change complètement la donne. Si je suis un BS, si je suis un TPL, si je suis un bipolaire, si je suis un contribuable, le regard que je vais porter sur les déterminants sociaux sera pas le même que si je suis un citoyen et que t'es un citoyen. C'est ben important qu'on prenne conscience du regard qu'on a, sur les décisions qu'on prend et la façon qu'on se relit les uns avec les autres. L'enfer, c'est l'isolement et la réduction de ce qu'on est. »

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Une conférence sur la performance du système de santé

Philippe Hurteau, politologue et chercheur à l'Institut de recherche et d'informations socioéconomiques (IRIS), a poursuivi avec une conférence sur les enjeux liés aux indicateurs de performance en santé. Il a expliqué comment ces indicateurs de performance apparemment neutres et calqués sur le modèle Toyota, ont des effets hautement pervers sur le système de santé québécois. Le minutage des interventions médicales ainsi que la recherche d'optimisation de celles-ci ont comme effet de négliger l'aspect humain et relationnel de la relation thérapeutique. En effet, les indicateurs visent d'abord et avant tout à atteindre des cibles budgétaires, dictées par le conseil du trésor : on ne vise pas l'amélioration des soins mais bien d'économiser sur chaque acte médical. Hurteau a également dénoncé comment ces indicateurs s'intéressent à l'approche curative plutôt qu'à la prévention en santé, qui est difficilement mesurable. Mais le service de santé est au service de qui? Au service des citoyens ou au service des professionnels et des médecins ? Diaporama de présentation

Mais pourquoi parler de ces indicateurs, qui s'appliquent présentement au réseau de la santé ? Parce que le dernier Plan d'action en santé mentale fait état de l'application d'indicateurs de performance pour tous les partenaires... dont ceux, probablement du communautaire. Est-ce que de signer une entente de service avec le réseau nous obligerait de facto à nous inscrire dans ces indicateurs de performance ? Est-il possible de conserver nos couleurs tout en collaborant activement avec le réseau ? Et, finalement, de quelle manière souhaiterions-nous mener des évaluations dans nos ressources alternatives ? Selon quels critères ? La performance ? La qualité de l'écoute ? La participation ? L'action sur les déterminants sociaux ? Comment mener une évaluation selon nos valeurs ?

En bref, ce fut une très belle rencontre, à partir de laquelle les membres du RRASMQ élaboreront les orientations et prises de position communes face au PASM 15-20. C'est fort de ces discussions que l'Alternative poursuivra son action, de l'Estrie à l'Abitibi, de la Gaspésie à la Montérégie.